" C’est le cœur qui donne naissance à toute connaissance ". Cette croyance de l’Egypte antique est partagée par les grandes traditions spirituelles. Ramana Maharshi, un sage Indien, parle du cœur spirituel qui dans l’homme est la source de l’ultime vérité : " Le cosmos tout entier est contenu dans un petit point minuscule qui se trouve dans le Cœur. Ce petit point est normalement fermé, mais il s’ouvre sous l’action de vichara (la quête intérieure) ".
Dans la Bible, le cœur est l’être intérieur car Dieu regarde dans le cœur (Premier Livre de Samuel XVI, 7).
L’Islam considère que c’est dans le cœur que résident la spiritualité et la contemplation. Jasmin, chap. VII, §§ 98-101, en exégèse du célèbre " verset de la Lumière " (Äyat al-Nûr, 24 : 35), comme typifiant les voiles des théophanies. Cf. Glose 69 : " Nécessairement c’est dans l’Intelligence initiale (le Noûs) que sous les attributs de la grâce et de la beauté s’accomplit la théophanie primordiale ; puis l’Intelligence s’épiphanise dans l’Esprit, l’Esprit dans le Cœur, et à partir de la Niche du Cœur la lumière en est projetée dans le monde de la Nature. "
Dans la tradition Dzogchen, la base primordiale (kun-gzhi), l’état naturel (gshis kyi gnas-lugs), est la source du Samsâra et du Nirvâna. La Base Primordiale est omniprésente mais elle se trouve plus particulièrement dans le cœur humain, dans un petit espace nommé " la tente brune des cornalines ". L’enseignement Dzogchen du maître Bönpo Shardza Tashi Gyaltsen précise qu’au niveau du cœur partent quatre canaux spirituels :
Le " grand canal doré " (ka ti gser gyi rtsa chen) relie directement le cœur au canal central.
Le " filament de soie blanche " (dar dkar snal ma) commence au niveau du cœur dans le canal central et remonte le long de la colonne vertébrale.
Le troisième canal, le " filament finement enroulé " (phra la ‘khrul) prend également sa source au niveau du cœur.
Le quatrième, la " voie cristalline " (shel bug can) va directement du cœur aux yeux.
L’état naturel, la sagesse du Discernement (rig-pa’i ye-shes) se trouve donc au centre du cœur ; elle se déplace dans la " voie cristalline " qui aboutit aux yeux, la " porte d’eau du lointain lasso ".
La clarté de l’état naturel apparaît sous différentes formes lumineuses, des sphérules (thiglés), des filaments dorés et des visions diverses. Le texte " Les perles du cœur de Samantabhadra " (Künzang Thugtik) révélé par Chogyur Dechen Lingpa, traduit par Jean-Luc Achard, est accompagné d’illustrations détaillant une partie des visions du franchissement du pic (thogal). Les expériences visionnaires sont parfaitement codifiées et se démarquent des fantasmagories de l’imagination. Elles comprennent quatre étapes :
La vision de la réalité manifeste (vision de thiglés quinticolores, de damiers et d’interstices de filets ou de festons) ;
La vision de l’accroissement des expériences lumineuses (vision des chaînes adamantines du discernement) ;
La vision du paroxysme du discernement (vision de thiglés semblables à des ocelles de paon, de boucliers ou de cerclages concentriques…) ;
La vision de l’épuisement de la réalité (cette vision s’exprime dans un septuple étagement lumineux).
(Photo : SHERAB GYATSO, jeune moine Bönpo, a apprécié la basilique du Sacré-Cœur, dite du "Vœu principal", située au sommet de la butte Montmartre.)