photo JeacutesusGirl4_zpseca810f6.gif

Sunday, November 18, 2007

Thögal et la lumière mazdéenne

Sogyal, le gourou Tibétain des centres Rigpa, fait souvent l'éloge de thögal, des techniques de contemplation de la lumière solaire et des photescences nocturnes produites par des troubles ophtalmiques. Le gourou fait preuve d’un sectarisme de béotien en se livrant à une réclame sans retenue de son enseignement. "Thögal, écrit-il dans Le livre tibétain de la vie et de la mort, permet au pratiquant d’actualiser en lui-même tous les aspects de l’éveil en l’espace d’une seule vie. Thögal est, par conséquent, considéré comme la méthode unique et extraordinaire du Dzogchen."

Cette assertion du gourou est en contradiction avec d’authentiques connaissances spirituelles qui révèlent une compréhension plus subtile des photismes colorés. En réalité, thögal n’est ni une méthode unique ni une voie sûre. Les techniques de thögal pourraient provenir d’une résurgence dégénérée de l’antique sagesse iranienne et de l’épiphanie de la lumière des mazdéens. Les lamas de Menri affirment que le dzogchen et la tradition Yungdrung bön se rattachent à Tazig, l’ancienne Perse.

En Asie centrale où survivait discrètement l’héritage de Zoroastre, l’école du maître soufi Najmoddîn Kubrâ donnait une description détaillée des expériences de lumières.

Dans son étude préliminaire du traité de soufisme de Nuruddin Isfarâyini, Le révélateur des mystères, Hermann Landolt écrit :
"La voie mystique est barrée par les" 70 000 voiles de lumière et de ténèbres" ; il faut les dépasser tous, sans se laisser détourner par aucun. En citant ici cette célèbre tradition, dont l’explication sera le propos de notre texte principal, Isfarâyini semble faire allusion en particulier au spectre entier des expériences visionnaires qui peuvent se présenter dans la voie mystique. En d’autres termes, c’est un avertissement de ne pas surestimer l’importance de ces expériences, et surtout de ne pas les confondre avec le but de la quête mystique. Remarquons ici que Kubrâ lui-même, qui avait pourtant un goût très vif pour ce genre d’expériences, avait déjà lancé un appel semblable à la prudence. En effet, si ces "indices" et "signes" sont des "guides" pour celui qui cherche la voie, disait-il, ils deviennent un "voile" lorsqu’on a reconnu le But, et sont un "ennemi pour les amis de Dieu". C’est que Dieu est caché par un voile de lumière et de ténèbres tant sur le plan du monde sensible que sur celui du monde supra-sensible (monde du Mystère, âlam al-ghayb) ; et bien que la lumière et les ténèbres du monde supra-sensible soient, par rapport à la lumière et les ténèbres du monde sensible, ce que la "signification" (ma’nâ) est par rapport au "nom" (ism), Dieu lui-même (ou l’Absolu, Huwa) est "la Signification des significations, l’Esprit des esprits, le Cœur des cœur".

Les dzogchenpa s’extasient facilement devant la moindre particule lumineuse, nommée thiglé (bindu), croyant voir le dharmakaya, alors que le maître chinois Nan Huai-chin admoneste les disciples qui perçoivent la lumière du corps (quand les canaux de souffle sont vraiment débloqués). Il leur dit sans détour : " N’allez pas croire pour autant que cet espace lumineux est le royaume de la grande lumière, vous en êtes encore loin ! C’est une lumière formelle ".

Saturday, July 07, 2007

Xu Yun

Maître Xu Yun travaillant, la tradition monastique Tch’an apprécie le travail et l’autarcie.



Les enseignements de l’école Ch’an du maître Xu Yun (1839-1959) donnent de bons fruits (et procureraient la longévité, Xu Yun décéda à l’âge de 120 ans). Selon une adepte de cette école, il existe bien une mystique libertaire dans le bouddhisme Ch’an. En effet, la vénérable Ming Zhen Shakia, n’hésite pas à le proclamer :
" Les mystiques sont des anarchistes spirituels ".

Charles Luck traduisit les deux semaines d’enseignement de Xu Yun (Hsu Yun Ho Shang Nien P’u) qui se déroulèrent au monastère du Bouddha de Jade à Shanghai en 1953. Le maître était âgé de 114 ans. " Master Hsu Yun’s Discourses and Dharma Words ", Edited, Translated and Explained by Lu K’uan Yü (Charles Luk).
Le texte est diffusé gratuitement par " The Corporate Body of the Buddha Educational Foundation " http://www.budaedu.org/

La biographie de Xu Yun, dernier patriarche des cinq écoles, est parsemée de phénomènes surnaturels. Durant une grande partie de son existence Xu Yun fut un moine itinérant. Il parcourut la Birmanie, le Tibet, l’Inde, le Sri Lanka, la Thaïlande.
La révolution de Mao n’épargna pas les moines Chinois. Les gardes rouges qui investirent le Yun men si, non loin de Guang Zhou (Canton) torturèrent de nombreux moines, certains furent tués. Le maître Xu Yun, alors âgé de 112 ans, fut frappé avec des triques et même des barres de fer à plusieurs reprises. Laissé pour mort, Xu Yun revint à lui après plusieurs jours. " Le gouvernement de Bei Jing (Pékin) finit par apprendre les exactions des gardes rouges et déclenchèrent une enquête. Il fut demandé au maître, lorsqu’il serait en état, d’apporter une liste comportant les noms des monastères à sauvegarder et c’est grâce à cette sorte de miracle que le dharma réussit à se perpétuer au cours de cette période dévastatrice entre toutes. " Yen Chan " La voie du bambou ".

Daniel Odier est l'un des héritiers de Xu Yun, en 2005, il reçut la transmission Ch’an au monastère de Bailin (Chine). Il a écrit avec une verve digne des maîtres libertaires du bouddhisme Ch’an, un pamphlet iconoclaste, " Le Grand Sommeil des éveillés ".


L’Eveil en sept jours

Maître Xu Yun est le plus célèbre des professeurs Tch’an. Il vit actuellement en Chine, et compte cent dix-neuf ans. Resté sain de corps et d’esprit, il a formé des milliers de disciples, et au cours des dernières décades, a fondé de nombreux monastères dans différentes régions de la Chine. L’histoire de sa vie fourmille d’épisodes extraordinaires, et il est généralement considéré aujourd’hui comme la plus grande autorité du Tch’an de la Chine moderne. Il prononça, il y a quelques années, une série de sermons à l’époque où il guidait plusieurs de ses disciples dans l’exercice de la " Méditation de Sept Jours ", pratiqué au monastère du Bouddha de Jade à Shanghai.


Premier jour de la première période, le 9 janvier, 7 heures du soir.
Après avoir salué le Vénérable Xu Yun, les moines l’invitèrent dans la salle de méditation du monastère. Il s’installa au milieu de la pièce tandis que les moines se groupèrent en deux rangs autour de lui. Venus de tous les coins du pays, les disciples qui avaient fait le vœu de participer à la "méditation de Sept Jours " formèrent un large cercle autour de Xu Yun. Elevant son gong, le Révérend Maître s’adressa en ces mots à l’assemblée : " En ce premier mois de l’année nouvelle, unissons-nous pour la " Méditation de Sept Jours ". Ce monastère est tout indiqué pour l’enseignement de Wu-Wei (Non-Faire). Hélas ! Mes amis et disciples, tout ce que je vous dirais au sujet de la " vacuité ", serait erroné. Efforcez-vous de détacher votre pensée des " Dix Mille Choses ". Si vous y arrivez, vous découvrirez que l’étincelle de vie émane de toutes choses.


" Nous sommes aujourd’hui au premier jour de notre méditation, amis que dites-vous ? " Ah ! " Puis après un long silence, le maître s’écria : " Allez ! " Et tous les disciples, répondant immédiatement à son appel, le suivirent. Après avoir marché quelque temps en rond, le moine surveillant donna le " signal d’arrêt " par un coup de gong. Les " promeneurs " s’arrêtèrent immédiatement. Après un temps d’arrêt, ils s’assirent sur leur siège en croisant les jambes sous eux. Le silence qui suivit était si profond, qu’on se serait cru dans un ermitage éloigné de montagne.


Cette méditation silencieuse dura une heure, puis les moines se levèrent et reprirent leur marche circulaire, bientôt interrompue par un nouveau coup de gong. Le maître alors harangua l’assemblée en ces termes : " Le moine supérieur de ce monastère est bon et compatissant, et c’est grâce à lui que cette méditation a pu avoir lieu. Les anciens de l’Ordre et vous tous mes amis, servez fidèlement le Tao. Vous m’avez demandé de vous guider pendant la Méditation des Sept Jours, j’en suis fort honoré et me sens plein d’inspiration en cette merveilleuse occasion, mais ma santé décline et je n’ai plus la force de parler longuement. Le Bouddha prêcha pendant des années le Dharma. Ses enseignements sont tous exposés et interprétés dans les Trois Grands Canons. Quelle serait alors l’utilité de mes paroles ? Je ne puis que répéter les paroles du Bouddha et des patriarches. Nous ne devrions jamais oublier que l’enseignement Tch’an ne fait pas partie de la doctrine bouddhiste régulière. Le premier Koan l’explique clairement : Lorsque le Bouddha, tenant la fleur dans sa main la montra à ses disciples, aucun d’eux ne comprit le sens de ce geste. Seul Mahakasyapa sourit pour montrer qu’il avait compris la pensée du Bouddha. Le Bouddha dit alors : " Je possède le trésor du Dharma Juste, et le " Merveilleux Esprit du Nirvana, l’expression dépouillée de sa forme ; je vais te le communiquer ! "


" L’enseignement Tch’an, transmis par d’autres moyens que ceux employés par la doctrine bouddhiste officielle, ne s’embarrasse pas d’explications superflues. C’est l’enseignement le plus direct, le plus élevé, qui guide l’étudiant vers l’Illumination, pourvu qu’il soit capable de la saisir instantanément. Certains ont commis l’erreur de croire que les vingt Tch’ans étranges (Dhyanas ou Méditations) mentionnés dans le Sutra de la Grande et Parfaite Sagesse, forment l’ensemble du Tch’an. Ces Dhyanas ne sont pas les principaux. Nous ne travaillons à notre Tch’an ni graduellement ni par stages successifs. Il est le Tch’an suprême qui dévoile instantanément la nature de Bouddha. Pourquoi alors pratiquons nous la Méditation de Sept Jours ? N’oubliez pas que nos aptitudes pratiques diminuent de jour en jour. Pour y remédier, les patriarches ont établi des méthodes spéciales, telles que : la Méditation de Sept Jours, les exercices du Koan et les marches circulaires. Le Tch’an embrasse soixante-dix générations qui s’échelonnent depuis Mahakasyaspa jusqu’à nos jours. Le Tch’an se répandit par toute la Chine pendant les époques Tang et Sung. Comme il a déchu depuis, lorsqu’on le compare au Tch’an de la belle époque ! Sa tradition dans toute sa pureté n’est plus conservée que dans quelques monastères, d’où la pénurie de maîtres Tch’an éminents.


Shen-hui, posa un jour la question suivante au sixième patriarche Hui-neng :
" Quel exercice faut-il pratiquer pour ne pas tomber dans une catégorie ? "
Hui-neng : " Qu’avez-vous fait ? "
Shen-hui : " Je ne pratique même pas le Saint Dharma ! "
Hui-neng : " A quelle catégorie appartenez-vous alors ? "
Shen-hui : " Le Saint Dharma lui-même n’existe pas. Comment peut-il y avoir des catégories ? "
" A ces mots, Hui-neng fut impressionné par la sagesse de Shen-hui.


N’étant pas aussi doués que les patriarches, nous sommes obligés de trouver des méthodes comme celle du Hua-tou, qui nous apprend à travailler sur un problème de Koan spécialement choisi, et cristallisé dans une phrase unique ou Hua-tou. Après la dynastie des Sung, l’exercice qui consiste à réciter le nom de Bouddha Amida devint de plus en plus populaire chez les bouddhistes. Par la suite, les grands maîtres conseillèrent de plus en plus de travailler sur le Hua-tou : " Quel est celui qui récite le nom de Bouddha ? " Ce Hua-tou devint alors, et reste encore, le plus répandu de tous. Mais nombreux sont ceux qui ignorent encore la manière de s’en servir. Certains sont assez sots pour réciter continuellement la phrase elle-même ! Cet exercice Hua-tou ne consiste pas seulement dans la répétition de la phrase, ou la concentration sur elle. Il faut pénétrer sa nature par Tsan. (Tsan signifie, regarder à l’intérieur, et observer.) Afin que les étudiants suivent la bonne voie, les avertissements suivants sont affichés dans tous les monastères : Observe et regarde le Hua-tou. Le mot " observe " signifie ici " regarde " en arrière et " regarde en dedans ", que ton esprit pénètre à l’intérieur du Hua-tou.


Notre esprit est habitué à s’extérioriser, à saisir les objets qui l’entourent. Tsan renverse cette habitude, et regarde au-dedans. " Qui est-il, celui qui récite le nom de " Bouddha ? " Cette phrase est le Hua (mais avant que l’idée de cette phrase ne se détache, nous avons le Tou (la fin). Par la voie de Tsan, nous essaierons de comprendre le sens même du " qui " de ce Hua-tou, et de pénétrer dans l’état qui précède l’éveil de la pensée, pour l’étudier ensuite. Il faut observer d’où vient l’idée même du " qui ", la définir et y pénétrer doucement.


Pendant l’exercice de la marche en rond, suivez de près la personne qui vous précède en relevant la tête jusqu’à ce qu’elle touche votre col. Gardez un esprit calme et égal. Ne tournez pas la tête pour regarder autour de vous, mais concentrez votre pensée sur le Hua-tou. Ne dilatez pas votre thorax au cours de la méditation en le gonflant artificiellement. Respirez naturellement, rassemblez vos six sens, et chassez toute pensée encombrante. Ne pensez à rien, mais n’oubliez jamais votre Hua-tou. Votre esprit doit toujours être calme et dégagé de toute contrainte, pour éviter qu’il erre à l’aventure ; évitez qu’il ne s’appesantisse et devienne indolent car vous vous assoupiriez, et tomberiez alors dans le piège du " vide mortel ". Si vous vous attachez à votre Hua-tou, vous accomplirez aisément votre travail, et briserez ainsi automatiquement toute pensée. Ces exercices présentent de grandes difficultés aux débutants, qui ne devraient ni se décourager ni s’effrayer. Ne pensez pas à l’Illumination qui est le but de la Méditation de Sept Jours à laquelle vous vous livrez, car cette pensée serait aussi folle et superflue qu’une nouvelle tête que vous ajouteriez à la vôtre. Ne vous inquiétez pas si votre travail sur le Hua-tou ne progresse pas au début ; il vous faut avant tout ne jamais l’oublier et l’observer sans cesse. Si vous êtes troublé par une pensée distrayante, refoulez-la car le proverbe dit :


" Ne t’inquiète pas du réveil de pensées distrayantes,
Mais garde-toi bien,
De les reconnaître trop tard. "

Vous souffrez au début d’une certaine distraction, causée par le réveil constant de pensées errantes qui vous empêchent de vous concentrer, mais vous surmonterez à la longue cette difficulté. L’étude du Hua-tou vous paraîtra plus facile. Après les nombreuses bêtises que je vous ai débitées aujourd’hui, remettez-vous au travail, et reprenez l’étude du Hua-tou.


Deuxième jour de la première période, le 10 janvier


Le maître s’adressa de nouveau à l’assemblée : " La Méditation de Sept Jours est le meilleur moyen d’atteindre l’Illumination en un temps prévu. Jadis, les hommes étaient plus doués, et les bouddhistes Tch’an n’attachaient pas une grande importance à cette méthode. Elle acquit toutefois une certaine popularité sous la dynastie des Sung. Plus tard, grâce à l’empereur Yung Cheng de la dynastie des Ching, elle se répandit dans toute la Chine. Cet empereur, bouddhiste Tch’an aux tendances très avancées, avait une grande admiration pour l’enseignement du Tch’an. La Méditation de Sept Jours, se pratiquait souvent dans son palais. Une dizaine de personnes qu’il dirigea, furent touchées par l’Illumination, entre autres, maître Tien-hui du monastère du Haut Ciel, à Yang Chow. Cet empereur établit les systèmes et règles des monastères, et la manière d’y pratiquer le Tch’an, qui prit un nouvel essor. Cet époque nous a donné plusieurs maîtres célèbres.


Maintenant, nous abordons le Tch’an. Qu’est-il en réalité ? Tch’an, Dhyana en sanskrit, est l’exercice d’une concentration ou contemplation profonde. Il y a plusieurs espèces de Tch’an : le Tch’an du Hinayana, et celui du Mahayana, le Tch’an concret et le Tch’an abstrait entre autres ? Mais celui de l’école chinoise est le Tch’an suprême qui diffère de tous les autres. La salle qui nous réunit aujourd’hui est la salle de Prajna, ou l’arène de l’Illumination. C’est ici que vous devrez réveiller la sensation du doute, et extirper tout vestige de vie. Ici seulement vous pourrez suivre l’enseignement de la Vacuité, le Dharma du non-agir. Tout ce qui est soumis au mouvement doit forcément avoir un commencement et une fin, et puisque tout ce qui s’obtient doit nécessairement se perdre, rien ne peut être accompli ou atteint. Les exercices comme la pénitence, les prosternations, et la récitation des sutras entre autres n’ont qu’une importance très relative, car ils résultent d’un effort ou d’une action. Le but du Tch’an est d’aborder le sujet au moment précis, et sans l’usage de la parole. Un moine demandait à Nan Chuan : " Qu’est-ce que le Tao ? " Nan Chuan répondit : " Le Tao est l’esprit mystérieux de quoi émane toute chose. " Lorsque nous mangeons, nous nous promenons, lorsque nous nous habillons, nous agissons selon le Tao, car aucune de nos actions ne peut être séparée de lui. Nous commettons malheureusement l’erreur de trop nous attacher aux choses, ce qui nous empêche de réaliser que notre esprit même est Bouddha. Le clerc Ta-mei demanda un jour à Ma-tsu : " Qu’est-ce que Bouddha ? " Ma-tsu répondit : " Bouddha est l’esprit. " Ta-mei fut touché par l’illumination en entendant cette réponse ; il s’inclina devant Ma-tsu, le remercia et partit. Plus tard, Ta-mei se fixa dans un ermitage de la province de Che Chiang, et forma de nombreux disciples. Sa renommée parvint jusqu’à Ma-tsu, qui lui dépêcha un moine pour s’assurer de ses connaissances et qu’il chargea d’interroger Ta-mei sur le Koan : " Pas d’esprit, pas de Bouddha. " Lorsque le moine arriva à l’ermitage, Ta-mei demanda d’où il venait. Le moine lui répondit :
Je viens de chez le grand maître Ma.
Quelle doctrine bouddhiste enseigne-t-il à présent ?
Il a complètement changé l’enseignement bouddhiste qu’il professe !
Comment l’a-t-il changé ?
Autrefois, le grand maître enseignait toujours que Bouddha est l’essence même de l’esprit, et maintenant que ce n’est ni l’esprit, ni le Bouddha !
Ta-mei se mordit les lèvres et dit : " Ce vieux gredin essaie de semer la confusion. Qu’il continue à proclamer ni l’esprit, ni le Bouddha ", je prétendrai toujours que Bouddha est l’esprit. "
Cette histoire prouve la fermeté de caractère des maîtres de jadis, et leurs connaissances inébranlables, et montre comment ils arrivaient directement à les réaliser.


Aujourd’hui, nous sommes bien moins doués. Des pensées errantes encombrent notre esprit, et c’est en désespoir de cause que les grands patriarches nous conseillèrent l’exercice de ce Hua-tou, non pas parce qu’il peut accomplir des miracles, mais cette méthode pratique était le seul moyen de nous aider. Maître Kao-feng disait : " Celui qui étudie le Tch’an devrait agir comme s’il jetait un pavé dans une mare profonde. Le pavé s’enfonce et s’enfonce jusqu’à ce qu’il ait atteint le fond de l’étang. En d’autres termes, il faut commencer l’exercice en regardant le fond du problème Hua-tou, avant de le percer complètement. Maître Kao-feng s’engagea davantage, en disant : " Si quelqu’un entreprend l’exercice du Hua-tou, et qu’aucune autre pensée ne vient troubler son esprit, pendant les sept jours de méditation ; s’il n’atteint pas alors l’illumination, je me couperai la langue et serai précipité en Enfer. "


Les étudiants ont du mal, au début, à maîtriser leurs pensées qui errent constamment, tandis qu’ils souffrent de douleurs dans les jambes. Ils ignorent encore comment écarter ces obstacles. Il importe avant tout pour eux, de penser au Hua-tou, debout, couché et en marchand, l’observer intensément du matin au soir, jusqu’au moment où il apparaît à l’esprit comme le reflet d’une lune d’automne dans l’eau limpide. En usant de cette méthode, soyez certains d’atteindre l’Illumination.


Si, au cours de la méditation, vous sentez le sommeil vous gagner, tenez vos yeux grands ouverts et redressez-vous ; ainsi vous vous sentirez plus frais et dispos qu’avant.


Lorsque vous travaillez le Hua-tou, ne soyez ni trop subtil ni trop détaché ; la subtilité provoque un sentiment de confort et de sérénité qui vous feront perdre votre Hua-tou. Si, au contraire, vous ne perdez pas votre Hua-tou en ayant atteint la sérénité, vous progresserez bien au-delà des résultats atteints. Si, par contre, vous êtes trop détaché, vous ne réussirez pas maîtriser les pensées errantes qui vous assaillent. En résumé, celui qui pratique le Tch’an devrait adopter une attitude intermédiaire faite d’un mélange de subtilité et de détachement. S’il y réussit, il fera de rapides progrès, et fusionnera bientôt le silence et le mouvement en un seul tout.


Je me rappelle, quand, jeune moine, je pratiquais la marche en rond, au monastère de la Montagne Dorée ou en d’autres lieux, comme nous autres moines, pouvions courir ! Mais lorsque le gong résonnait pour donner le signal d’arrêt, tous nous nous arrêtions et restions immobiles comme des bouts de bois fichés en terre ! Comment eut-il été possible de s’assoupir ou de laisser naître des pensées étrangères en de telles circonstances ?


Lorsque vous méditez dans la position assise, ne placez jamais le Hua-tou que vous méditez, trop haut devant vous ; il vous occasionnerait des maux de tête. Ne le placez pas d’avantage au niveau de votre poitrine, car il provoquerait des malaises, tout comme si vous le placiez trop bas devant vous. Vous seriez alors sujet à des maux d’estomac et il provoquerait auprès de vous, des visions illusoires. Observez un esprit calme et respirez régulièrement comme la poule qui couve son œuf ou le chat qui guette une souris. Si vous réussissez, vous apercevrez avant longtemps, que vous vous détachez petit à petit de tout ce qui vous retient à la vie.


Le quatrième jour de la première période, le 12 janvier.


Nous voilà arrivés au bout du troisième jour de méditation. Je suis heureux de constater que vous travaillez avec ardeur. Quelques-uns d’entre vous m’ont apporté des poèmes et des stances qu’ils ont composés ; ils m’ont prié de les commenter. D’autres m’ont dit avoir aperçu la vacuité et la lumière, ce qui n’est pas à dédaigner, mais j’en conclus néanmoins que vous avez oublié tout ce que je vous racontais les deux premiers jours ? Je vous ai dit que l’exercice du Tao consiste uniquement à trouver la voie qui vous permettra d’examiner le Hua-tou qui ressemble à l’épée royale. Avec elle, vous tuez le Bouddha quand il arrive ; avec elle vous massacrez le Diable quand il arrive. Aucune idée ne résiste à cette épée qui détruit tous les Dharma. Comment est-il alors possible d’avoir des pensées errantes qui vous permettent de composer poèmes et stances, et d’avoir des visions de lumière, ou de vacuité ? Si vous persistez dans cette voie, vous perdrez bientôt votre Hua-tou !
N’oubliez pas de l’examiner continuellement, sans aucune interruption avec un esprit toujours lucide et en éveil. Toutes pensées, toutes conceptions devraient être effacées ! Comme le disait le grand maître Houang-po :


"Etudier le Tao, équivaut à défendre le Palais Royal contre l’invasion. Défendez-le attentivement au prix de votre vie ! Et combattez de toutes vos forces pour lui. Si le froid intense n’a pas encore pénétré jusque dans votre moelle, voyez comment vous parviendrez à sentir le frais parfum des pruniers en fleurs."


Nous autres êtres sensibles, possédons ce qu’on nomme la " huitième conscience " (la conscience fondamentale), comparable au roi de toutes les consciences ; ce roi s’entoure des septième et sixième consciences, et des cinq autres qui sont celles de la vue, du goût, de l’ouïe, de l’odorat et du toucher. Quand à la septième, elle se cramponne aux connaissances du chef, ou de la huitième conscience, dont elle se considère l’égal. Les six autres consciences dirigées par elle, s’attachent aux couleurs, aux sons, au toucher, etc. et c’est ainsi que la huitième conscience, la principale, est l’esclave des autres, et ne peut plus tourner la tête à son gré… Le Hua-tou ressemble à un glaive tranchant, qui nous permet de massacrer tous ses voleurs épuisants, et de transformer ainsi la huitième conscience en Sagesse du Grand Miroir, la septième, en Sagesse de l’Egalité, la sixième, en Sagesse de l’Observation, et les cinq sens, en Sagesse de l’Action. Mais il importe avant tout de transformer d’abord, les sixième et septième consciences, car elles prennent la tête du peloton et lui imposent leur influence. Elles ont pour fonction de distinguer, de différencier, de conceptualiser et de fabriquer. Les poèmes et les stances que vous avez composés, la lumière et la vacuité et tout ce que vous percevez ne sont autres que des fabrications de ces deux consciences. Oubliez toute chose et attachez-vous à votre Hua-tou. N’oubliez pas qu’il existe un autre piège dans lequel vous risqueriez de tomber ; c’est celui de la méditation inutile, qui émousserait votre esprit et l’engourdirait complètement. C’est là l’erreur la plus grave que vous puissiez commettre. Et maintenant, laissez-moi vous raconter un koan.


Le maître qui fonda le monastère de Shih Tan, étudia le Tch’an sous la direction de différents maîtres en voyageant d’un endroit à un autre. Une nuit dans une auberge, il entendit une jeune fille qui chantait tout en confectionnant un gâteau de fèves :


" Oh ! Chang est le gâteau de fèves,
Et Li est aussi le gâteau de fèves.
La nuit lorsque tu reposes la tête sur l’oreiller,
Nulle pensée ne s’éveille dans ton esprit.
Mais lorsque tu t’éveilles le matin,
Tu continues toujours à confectionner des gâteaux de fèves. "


Le maître était absorbé dans une méditation, lorsque la jeune fille se mit à chanter. En l’entendant, il s’éveilla et comprit soudain.
Cette histoire prouve que l’étude du Tch’an ne doit pas forcément se poursuivre dans un temple ou dans une salle de méditation. Celui qui concentre tout son esprit sur le travail, en ne se laissant pas distraire, peut être touché par l’Illumination, n’importe où il se trouve.


Le dernier jour de la seconde période, le 23 janvier.


Le maître dit aux disciples présents : " nous sommes au dernier jour de deux périodes de méditation. Je vous félicite tous d’être capable d’achever votre tâche. Je vais aujourd’hui contrôler votre travail, et me rendre compte des progrès que vous avez réalisés. Que celui qui a été touché par l’Illumination se lève et raconte les expériences qu’il a faites au cours de son travail.
Un long temps s’écoula, mais personne ne se leva. Le maître quitta la salle de méditation, sans ajouter un mot."

Selon Chang Chen-Chi (témoignage de 1958)


Tuesday, July 03, 2007

SARAHA, ses chants libertaires



Le miroir aux alouettes

Les stratégies d’aliénation mises en place par quatre sectes (le Temple du peuple, les Davidiens de Waco, l'Ordre du Temple Solaire, la Secte Aum) sont bien décrites dans le documentaire.

DEUXIEME PARTIE - TROISIEME PARTIE - QUATRIEME - CINQUIEME - SIXIEME

Il n’est pas inutile de rappeler que les manipulations des gourous seraient impossibles si les gens étaient tous épanouis et heureux. La solitude, les frustrations, la souffrance et les troubles psychologiques sont exploités par les sectes. 1% de la population souffre de schizophrénie. Dans l’Hérault, dans le village de Dio, un jeune schizophrène de vingt ans a reçu une douzaine d’initiations tantriques payantes dans le repaire languedocien d’un gourou tibétain. Le jeune homme s’est irrémédiablement enfermé dans des délires qu’alimentent les dogmes et les rites du Vajrayana. Il est convaincu d’être un toulkou, c’est à dire la réincarnation d’un très grand lama.

Le chant des sirènes

La première vidéo du documentaire, « Le miroir aux alouettes » de la série « Les sectes tueuses », montre brièvement le rôle joué par le Dalaï-lama dans l’expansion de la secte AUM. Celui qui serait l’incarnation d’Avalokiteshvara, Bodhisattva de la compassion pourvu de plus d’un millier d’yeux, n’a pas vu les conséquence de son amitié pour le gourou psychopathe et criminel de la secte AUM. Le gourou japonais exploita habilement la reconnaissance du prélat tibétain pour se targuer d’être un yogi tantrique accompli, un Mahasiddha, et augmenter ainsi le nombre de ses disciples.

Les textes de véritables Mahasiddhas expriment la joie de vivre dans ce monde. Ils récusent les pratiques méditatives et les enseignements des gourous. Les Dohas (chants) de Saraha rejettent les artifices religieux et sont un hymne à la vie.
Les idées libertaires de Saraha rappellent le CH'AN chinois.

Les chants de Saraha

« Les novices, les moines, les sannyasins, impressionnés par les Anciens, renoncent au monde, enseignent les écritures et se dessèchent à force de concentration.

D’autres se réclament du Grand Véhicule et des textes sacrés. Ils méditent sur les chakras et les mandalas, ils scindent la félicité en différentes étapes.

Ils ne font que s’écarter de la voie et se battent pour savoir si elle est espace et vacuité.

Délaisser le Spontané pour débattre du nirvana, c’est manquer le Sens ultime.

Qui s’écarte du Spontané ne connaîtra pas la délivrance. A quoi bon méditation, offrandes de lampes à huile, récitation de mantras ?

A quoi bon les austérités, à quoi bon les pèlerinages ? On ne se libère pas en se plongeant dans les eaux sacrées. […]

Saraha chante : ne médite pas, n’abandonne pas le monde, vis en compagnie. Si tu n’es pas délivré en prenant un profond plaisir au monde sensoriel, peut-on dire que ta connaissance est parfaite ?

Si la Vérité est manifeste, à quoi bon méditer ? Si la vérité est cachée, tu ne fais qu’arpenter les ténèbres ! Saraha chante : L’éternité n’est ni du domaine de l’être ni de celui du non-être ; ainsi touche le Spontané !

Saraha chante spontanément la profondeur secrète du monde, ne demeure pas prisonnier du troupeau hébété ! Ce qui nous fait naître, vivre et mourir est le cœur du Suprême.

Le Suprême ne médite pas, pourquoi méditer sur lui ? Le Suprême est indicible, alors tais-toi ! Les êtres sont prisonniers du devenir et personne ne découvre la nature du Soi.

Abandonne mantras, traités, objet de méditation, concentration ! La conscience est immaculée, ne la pollue pas par la pratique ! Cesse de te tourmenter et demeure dans l’intime félicité !

Délecte-toi des mets et des boissons, sois heureux, jouis du plaisir que tu offres à la lignée des maîtres, c’est ainsi qu’on se libère ! […]

Saraha chante, écoute-le. Pas de libération par la méditation. Ne prends pas les membres dans le filet de l’illusion ! […] J’ai abandonné mantras et tantras pour chanter ce poème. […]

J’ai vu les lieux sacrés, mais nul endroit n’est aussi gorgé de béatitude que mon propre corps. […]

Abandonne les mantras, les tantras, et oriente ta quête vers le corps où les dieux se perdent, alors tu seras l’absolu et tout autre désir s’évanouira.

Reconnais cette ambroisie qui s’exprime à partir du non-savoir. Ceux qui se livrent à des explications ne trouvent pas la transparence au cœur de l’activité. […]

Dans ce corps, l’intelligence se relâche, la pensée se détend, l’ego se dissout. N’utilise pas la méditation pour toucher les mondes illusoires. […]

« Est-ce que le maître expose l’ultime secret ? sans discernement, serai-je libéré ? » se disent-ils. Les adeptes vont et viennent. Ils errent dans leurs pratiques et commettent l’erreur de ne pas reconnaître le Spontané. […]

« Notre maître vénéré prône l’arrêt de la pensée, la méditation yeux ouverts, le contrôle du souffle », disent les égarés. Mais lorsque le souffle s’arrête de lui-même au moment de la mort, que fais-tu ? […]

Les érudits commentent les traités, mais ils ignorent le Bouddha en leur propre corps. Ils n’ont pas détruit l’oscillation mentale et prétendent avec impudence jouir de la connaissance.

« La Pure Conscience se médite sur le centre intersourciller », disent-ils. Abandonne donc toute distinction. Dès que tu ne scindes plus le corps, que tu ne sépares plus la parole et la pensée, tu jouis de la propre nature du Spontané.

Dans « Le trésor des chants » (Dohakosa) :

La vraie nature de l’esprit est comme le ciel. Il n’y a pas de méditation à faire, aussi évitez la méditation. En gardant l’esprit ordinaire dans son mode originel spontané, il n’est adultéré par aucun concept artificiel. […]

On parle de très nombreuses sortes de constructions mentales, mais les yogis ne demeurent que dans la seule perception. Celle-ci n’étant pas une entité, le yogi est complètement libre des nombreuses possibilités de manifestation. Aussi, avec cette liberté folle et illimitée, maintenez l’action pareille à celle d’un enfant, libre de toute activité intentionnelle.

« Ecstatic Spontaneity » Herbert V. Guenther.


Le philosophe Michel Larroque retrouve le Spontané de Saraha dans le Ch’an Chinois, rappelant au passage que la méditation assise (ou Zazen) était négligée par les premiers patriarches.

" On sait que le naturel est notre véritable esprit ; or il nous est donné d’emblée. Les efforts pour le promouvoir sont donc inutiles et ne peuvent que se retourner contre leur but. Il en résulte que toute discipline est artificielle et sans objet. Elle ne peut aboutir qu’à un pharisaïsme qui singe la vie spirituelle authentique.

C’est ce que Huai-Jang essaie de faire comprendre à l’un de ses condisciples, Ma-Tsu, qui pratique assidûment la méditation " pour atteindre l’état de Bouddha. " Ramassant une brique, il se met à la polir " pour en faire un miroir. " " Aucun polissage, si long soit-il, ne fera un miroir d’un brique, " remarque Ma-Tsu. " Aucune pratique du Tao-ch’an, si longue soit-elle, ne vous fera atteindre l’état de Bouddha " répliqua aussitôt Huai Jang.

Et c’est pourquoi Hui-Neng recommande de ne pas chercher à purifier l’esprit, mais tout au contraire de le laisser aller. Il convient de donner libre cours aux séquences de pensées et d’impressions sans chercher volontairement à les retenir ou à en orienter le cours. Même le simple désir de devenir un Bouddha est nocif. En effet, si la bouddhéité est bien la spontanéité, le souci d’y accéder nous éloigne à coup sûr par la conscience qu’il crée en nous d’une opposition entre ce que nous voulons être et ce que nous sommes.

Les témoignages confirmant cette interprétation sont innombrables. Huang Po interprétant le Bouddhisme dans une perspective taoïste, fait aussi l’apologie de la spontanéité.

" Lorsque le corps et l’esprit ont atteint la spontanéité " écrit-il, " le Tao est atteint et l’esprit universel peut être compris… Dans les temps anciens, l’esprit des hommes était aiguisé. En entendant une seule phrase, ils abandonnaient l’étude et furent de ce fait appelés " les sages " qui, abandonnant l’étude, restent dans la spontanéité. "

Son élève Lin-Chi, fondateur de l’école Rinzai, reproche à ses étudiants de ne pas se faire confiance et de recherche laborieusement ce qu’ils n’ont pas perdu. Certes, la vie spirituelle exige du courage de " s’en remettre " sans hésitation de " faire absolument confiance en la spontanéité naturelle qui est l’esprit du Bouddha. " Il insiste sur l’importance de la vie naturelle libérée de toute affection et de toute contrainte. Car " il n’y a pas de place dans le bouddhisme pour l’effort. "

Michel Larroque, " APPROCHES OCCIDENTALES DU BOUDDHISME ZEN, la spontanéité efficace ", L’Harmattan.

Saturday, April 21, 2007

LES LUMIERES SPIRITUELLES


Des occidentaux et des coquettes font du dzogchen comme on fait une cure de beauté. Certains adeptes pratiquent dans l’espoir d’obtenir un corps de lumière, éternellement jeune et beau. Ils accordent des vertus spirituelles aux sensations lumineuses obtenues par une pression des yeux. Cette méthode, préconisée dans certains textes dzogchen, est peut-être l’indice d’une dégénérescence de l’enseignement. Néanmoins, il n'est pas inconvevable de penser que des lamas utilisent des phosphènes dans un but didactique. En tout état de cause, le maître chinois Nan Huai-chin critique la pression des globes oculaires.


Les étoiles intérieures


Le champ visuel d’un contemplatif peut être constamment couvert de myriades de minuscules points de lumière blanche. Ces infimes points lumineux sont heureusement fixes.


Dans le cadre d'une " pratique contemplative ", quelques points peuvent grossir (et devenir aussi " gros " qu'un grain de poivre). Parfois, certains grains lumineux se réunissent, formant ainsi un conglomérat de lumière blanche. Il arrive parfois que dans ce conglomérat se dessinent des formes diverses. D'autres couleurs peuvent apparaître. Le phénomène se produit de la même façon avec les yeux ouverts ou fermés. Le canevas lumineux demeure toujours identique à l'intérieur ou à l'extérieur, le jour ou la nuit. C'est une vision totalement criblée de minuscules points de lumière blanche. Plus rarement, un grain se détache de la trame pour éclater comme un petit flash d'une fraction de seconde.


La vision quotidienne est donc " perforée " d'un nombre incommensurable de très petits trous qui laissent passer une douce et discrète lumière blanche, semblable à celle des étoiles. Dans le livre de Shardza Tashi Gyaltsen (1859-1935), intitulé " Les sphères du cœur " (Les Deux Océans), il est écrit : " Etoiles et constellations resplendissent depuis sa poitrine " p.85, l'édition française comporte une erreur, le mot " taille " a été imprimé à la place du mot " poitrine ". En réalité, selon l'anatomie subtile, c'est depuis le cœur, donc de la poitrine, que sont projetées les luminosités. Un canal relie le cœur (projecteur) aux yeux qui contemplent l’espace (l'écran).


Les fleurs de la vacuité


Des contemplatifs perçoivent des luminosités semblables à des perles de lumière blanche, d'autres sont translucides comme des gouttes d'eau parfaitement circulaires. Une chute de " neige " peut survenir durant une retraite spirituelle. Dans " Le secret de la Fleur d’or ", il est écrit : " Figez l’esprit dans le repaire de l’énergie et vous verrez soudain la blanche neige s’envoler en plein été.


" Les " flocons " de lumière blanche sont nommées thiglés dans le dzogchen. Ils sont différents des thiglés tantriques liés au sexe et à l'âge. Des textes dzogchen énumèrent les différentes formes lumineuses : des damiers, filaments lumineux, chaînes de thiglés... D’autres thiglés sont auréolés d'une enceinte colorée. Des sphérules de lumière, formant une chaîne par exemple, traversent le champ visuel du contemplatif plus ou moins rapidement, du haut vers le bas. Cette descente s'effectue sans onduler ni suivre de mouvements circulaires ou fantaisistes. Il est aisé de les faire revenir au centre de la vision d'une manière fulgurante en les regardant du coin des yeux. Le phénomène est décrit dans un texte attribué à Vimalamitra, " Les 74 fragments de la compilation des Préceptes " : " Il faudra (alors) regarder les Lampes du coin des yeux et le Discernement (fulgurera) dans l'Espace ".


Pour percevoir les thiglés, il est nécessaire de respecter certaines consignes. Il est possible de les voir en regardant le rayonnement d’une source de lumière (soleil, ampoule électrique, etc., sans se laisser éblouir). Selon les textes, des pratiquants doués, parvenus au stade du déploiement des visons, perçoivent des thiglés de plus en plus grands révélant leur contenu : des symboles et carrément des déités.


Au Moyen Age, une religieuse visionnaire, Hildegarde de Bingen, décrit un phénomène comparable aux thiglés géants " habités " du dzogchen : " Au milieu de la poitrine de la figure que j'avais contemplée au sein des espaces aériens du midi, voici qu'apparut une roue d'une merveilleuse apparence. [...] La figure de l'homme occupait le centre de cette roue géante. Le crâne était en haut, et les pieds touchaient la sphère de l'air dense, blanc et lumineux. Les doigts des deux mains, droite et gauche, étaient tendus en forme de croix, en direction de la circonférence, les bras de même. [...] Au-dessus du chef de ladite figure se faisaient face les sept planètes. " Hildegarde de Bingen, De modu visionis suae. (source Internet : http://www.outre-vie.com/inities,visionnaires,mystiques/mystiques/Hildegarde.htm )


Vajra Yogini ou la Fée Clochette


Un occidental, converti au bouddhisme tibétain, ne verra pas obligatoirement les déités du panthéon tantrique dans les thiglés géants de la phase du développement des visions. Ce dzogchenpa doué distinguera probablement, comme Hildegarde de Bingen, des formes angéliques en aube blanche s’il appartient culturellement au monde occidental. Les Near Death Experiences (NDE) ou en français Expérience de Mort Imminente (E.M.I.) décrivent des êtres de lumières qui n’ont jamais l’apparence des entités du panthéon tibétain.


Lumières et méditation


Les expériences lumineuses sont fréquentes durant les méditations. Un manuel tibétain décrit ces phénomènes (qui ne sont pas considérés comme des visions du Dzogchen). Lucioles, étincelles, fumée, figures géométriques de différentes couleurs apparaissent selon le degré de méditation. Ce sont les 5 éléments (eau, terre, air, feu, espace) qui pénètrent dans le canal central, chaque élément a sa propre couleur. L'école Chan (zen) mentionne l'existence de photismes liés à l'expérience méditative. Ces phénomènes, nommés " fleurs de vacuité " sont négligés avec raison. L'école tibétaine décourage également la contemplation de la lumière des techniques de Thogal sans avoir maîtrisé l'état d'unification de Trekchöd, l'état naturel de l'esprit. Thogal permettrait d'accélérer la compréhension de la non-dualité. De belles photographies de fresques de visions et de pratiques dzogchen se trouvent dans l'album de Ian Baker et de Thomas Laird, " Le temple secret du Dalaï-lama ", Editions de la Martinière.


La danse lumineuse de l’orgone


Le contemplatif perçoit dans le ciel des particules lumineuses qui se déplacent dans tous les directions en ondulant. Des adeptes de Wilhelm Reich voyaient dans ces particules le fameux orgone identifié, selon eux, au prâna des hindous. En 1993, à la cité de la science de la Villette, un appareil scientifique reproduisait ce phénomène naturel. En vérité, ces éléments lumineux sont provoquées par des conditions particulières qui permettent la réflexion de la lumière solaire par les globules du sang qui irriguent les yeux.


Les lumières des ténèbres


On peut redouter les conséquences néfastes du tantrisme implanté trop rapidement en Occident. Sans de véritables saints bouddhistes, capables de créer une sorte d’égrégore spirituel, une âme collective, le mercantilisme des enseignants du Vajrayana risque d’inverser la polarité spirituelle de cette tradition. Les protecteurs du Dharma pourraient devenir de redoutables prédateurs. (Sur ce sujet lire le texte de Flavie Duquesne : http://bouddhanar-1.blogspot.com/2007/04/mme-si-la-nuit-t-bien-noire.html )


Peu soucieux d’éthique, des hiérarques, héritiers du cléricalisme féodal tibétain, se conforment sans peine au capitalisme mondialisé. Des lamas en vue ne dénoncent jamais les seigneurs criminels de la guerre économique qui détruit le monde. Autrefois anachorètes, aujourd'hui vedettes du dharma, des représentants du bouddhisme tantrique profitent de ce système inique pour s’enrichir.


Quand on fréquente le monde un peu glauque des centres de la " Vérité " (dharma), décorés de fresques trop morbides, on entend des rumeurs : tel lama est possédé par la " folle sagesse ", tel autre est le thaumaturge du siècle. Les pipelettes ne sont jamais en manque de ragots dans le bouddhisme tantrique. Cette tradition située au confluent de plusieurs univers psychiques génère d’étranges propos, comme la mise en garde attribuée au gourou d’une secte dzogchen internationale. Cet autocrate tibétain, installé dans une île au large du Venezuela, aurait révélé à ses disciples l’existence d’un terrible danger occulte. Des luminosités particulièrement prédatrices se précipiteraient sur des humains pour les tuer.


Des agressions occultes, le vampirisme psychique, des obsessions peuvent être la conséquence d’une attitude trop confiante à l’égard de certaines visions. Malheureusement, un " démon " ou un parasite de l’au-delà peut s’incruster dans le cerveau d’un méditant imprudent. Beaucoup de personnes se laissent subjuguer par les courants psychiques qui balayent le monde intermédiaire, monde où s’égarent de nombreux spiritualistes, des médiums et aussi des " initiés " tantriques.


Les lumières des Expériences de Mort Imminente (EMI ou NDE)


Les pratiquants du Karling Shitro, le cycle des déités paisibles et courroucées, prétendent que seuls les initiés tantriques perçoivent ces déités et reçoivent leur aide dans l'au-delà. Dans son livre " Le miroir du cœur ", Philippe Cornu écrit : " Beaucoup de maîtres reconnaissent que, si l’on n’a pas connu la transmission de pouvoir et le sâdhana d’une déité ou d’un groupe de déités comme les paisibles et courroucées, il est impossible d’en percevoir les manifestations telles qu’elles sont décrites traditionnellement. "


Cette affirmation n’est pas une vérité établie. En effet, un occidental, initié du Vajrayana, fut confronté à l’autre monde durant une Expérience de Mort Imminente (EMI ou NDE). Une fois dans le bardo, cet adepte du bouddhisme tantrique aurait dû voir surgir les déités du mandala. Mais durant sa décorporation, il rencontra une lumière irradiant l’amour et des entités spirituelles d’une grande beauté. Lumière, amour et beauté sont des constantes des récits de cette nature. Les monstres courroucés à tête d’animal et armés de couteaux du panthéon tantrique n’étaient pas là. Ils n’ont probablement pas accès à la dimension spirituelle véritable qui se caractérise par cet amour attesté par de nombreux témoignages. Les déités tantriques sont-elles cantonnées dans un infra monde ?


C’est un effroyable spectacle qui s’offrirait à l’initié tantrique décédé. Les déités courroucées du Bardo brandissent des hachoirs et des coupes crâniennes emplies de sang. Candhalî est une dévoreuse de cœur et de cadavre, Srigalamukhâ à tête de renarde mange les entrailles, Nandâ à tête de corbeau est parée d’une peau d’enfant…


Les visions secrètes du cinquième dalaï-lama


La biographie secrète du cinquième dalaï-lama contenue dans " Le Manuscrit d’Or ", traduit par Samten Gyaltsen Karmay, fait état d’expériences visionnaires parfois terrifiantes. Par exemple, durant l’année Eau-Rat (1672), à partir du neuvième jour, le dalaï-lama commence un retraite dans le palais du Potala. Il pratique la méditation quand il a une vision repoussante. " Une femme hideuse apparaît à ce moment, portant une robe tissée de poils de yak, à la tête d’une armée de démons. De ce rassemblement sortent un homme de couleur rouge et une démone, tenant le cœur et les poumons d’un homme qu’il viennent de tuer à l’entrée d’un temple dans un village. " (S. G. Karmay)


La passion du dalaï-lama pour les rituels et la magie le confronte à des puissances occultes inquiétantes. Le pontife doit repousser les attaques des bsen-mo, esprits maléfiques féminins, des démons dam-sri, et des légions d’esprits hostiles gson’dre, gong-po... Il a recours a des cérémonies macabres et utilise des ingrédients rituels répugnants pour anéantir les forces démoniaques. Selon le cycle du rD-rje gro-lod gnam-lcags ‘bar-ba, l’encens est remplacé par la chair humaine brûlante (sha-chen-gyi bdug-spos), les lampes sont alimentées par de la graisse humaine fondue (tshil-chen-gyi mae-me), le sang remplace l’eau rituelle, les fleurs sont substituées par des yeux… Une peau humaine (g.yang-gzhi) et un crâne sont utilisés par le magicien tantrique qui suit les instructions données par Zur Chos-dbying rang-grol. L’initiation à la déesse gSang- sgrub, un aspect particulier de dPal-dan lhamo, exige une tête humaine fraîchement coupée.


La barbarie qui émaille la spiritualité du cinquième dalaï-lama n’émeut personne. Elle passe totalement inaperçue, noyée dans le courant d’éloges et d’émerveillement inconditionnels qui transporte le bouddhisme tantrique au cœur des nations modernes. De nombreux artistes, des intellectuels succombent à la fascination du lamaïsme magique et… sanguinaire. Mais qui veut voir les coupes crâniennes emplies de sang représentées sur presque tous les tangkas ? Les tantras les plus obscènes et les moins ragoûtants sont traduits et qualifiés de révélations merveilleuses.


Le pontife tibétain fait consigner toutes ses visions par un scribe. Un matin, il récite le mantra de Tara blanche, la déité lui apparaît. Un autre jour, il a la vision des gardiens du dharma. Le lendemain il voit Padmasambhava en union avec sa parèdre. La platitude des commentaires du " Manuscrit d’Or " est consternante. Le dalaï-lama n’est pas un mystique contrairement à Saint Jean de la Croix, par exemple, pour évoquer un véritable poète mystique.


Ceux qui associent parfois au mot mystique le merveilleux et sont convaincus que le Tibet est le pays des prodiges, seront étonnés en découvrant les prouesses d’un religieux Italien, un contemporain du 5ème dalaï-lama.


Giuseppe Desa naît en 1603 en Apulie, dans le sud de l’Italie, seulement quatorze ans avant la naissance du 5ème dalaï-lama. Il est ordonné prêtre à l’âge de 25 ans.

" Un jour qu’il venait de dire la messe dans la chapelle même du Saint-Office, dédiée à saint Grégoire d’Arménie, il poussa soudain un cri, s ‘éleva tout droit dans les airs, les bras tendus en croix, et alla se poser parmi les fleurs de l’autel, au milieu des nombreux cierges qui y brûlaient. Les assistants poussèrent des cris, croyant qu’il allait prendre feu. Il n’en fut rien. Il resta là un moment sous les yeux effarés de l’assistance, puis, poussant un autre cri, il fut transporté en arrière dans l’église et déposé doucement au sol sur les genoux. Alors commença une autre scène aussi surprenante et peu édifiante que la première : il se mit à tourner sur ses genoux comme une toupie, sautant parfois en l’air sans prendre aucun élan, tandis qu’il répétait : " Ô Bienheureuse Vierge Marie ! Ô Bienheureuse Vierge Marie ! "
Cette prouesse embarrassa fort l’Inquisition, car le frère Joseph, à par sa vertu, ses austérités et ses indiscrètes lévitations accompagnées de cris, ne se signalait par aucune qualité d’esprit particulière. Il était fort clairvoyant en s’appelant lui-même " l’âne ". L’Inquisition de Naples s’en débarrassa en l’envoyant à Rome sous la garde du père général de son Ordre. Celui-ci le présenta au pape Urbain VIII (Maffeo Barberini), esprit cultivé, aristocratique et sceptique, plus connu pour ses poésies latines (fort profanes) et son habileté politique à distribuer les bonnes places aux membres de sa famille que pour son goût des pieuses extravagances, la vivante antithèse, en somme, du pauvre père Joseph.
Aussi, quel ne fut pas son embarras lorsque l’ancien palefrenier, s’étant agenouillé devant lui pour lui baiser dévotement le pied, fut soudain saisi par l’extase et s’éleva dans les airs en poussant son cri habituel. Il y resta sous le regard ahuri du pape jusqu’à ce que son supérieur lui eut signifié que c’en était assez et qu’il eût à redescendre sur terre comme tout le monde, ce qu’il fit. Tout sceptique qu’il était, Urbain VIII déclara que, si Joseph mourait avant lui, il viendrait lui-même attester l’authenticité de ce prodige lors du procès de canonisation. "


Aimé Michel " METANOIA, Phénomènes physiques du mysticisme "

Wednesday, March 21, 2007

LES SPHERES DU CŒUR

"Ce texte doit encore moins être pris pour un manuel du type " faites-le vous-même ", à l'attention de ceux qui aspirent à pratiquer la discipline spirituelle et à atteindre la " Grande Perfection " décrite ici. Pour une telle pratique, le suivi personnel d'un lama qualifié et expérimenté est absolument indispensable. Ceux qui souhaitent expérimenter par eux-mêmes peuvent être assurés que leurs expériences mentales, quelles qu'elles soient, seront soit déroutantes, soit - et le danger est réel - destructrices. "
A cette mise en garde de Per Kvaerne s’ajoute les mots d’un hiérarque tibétain inquiétant. En effet, Shenphen Dawa menace de mort les imprudents qui étudient le Dzogchen sans se faire racketter par un gourou : " Ne serait-ce que de parler du Dzogchen, c’est en quelque sorte précipiter sa propre mort " (bulletin n°7, Urgyen Samyé Chöling, Dordogne).
La jaquette du livre devrait préciser : " MEDITER TUE ! ".

Un lama qualifié, c’est l’Arlésienne du Dharma.

Le pamphlet de Daniel Odier, " Le Grand Sommeil des éveillés ", proclame la fin de l’illusion du maître qualifié et pleinement éveillé :
" Nous sommes manipulés par des pseudo-sages qui arborent un éveil de pacotille collé à un ego surdimentionné. Ces illuminés prennent soin de nous faire glisser dans un système qui nous lie pieds et poings au devenir. Les jeunes loups-gourous s’éveillent en trois stages d’été et quittent leur emploi pour enseigner prématurément. Les vieux renards veillent au grain en appointant parcimonieusement des êtres plus médiocres qu’eux-mêmes pour être certains qu’on ne les oubliera pas. La plupart des scélérats qui font métier d’enseigner ne transmettent que leur propre désarroi pour continuer à gagner leur vie et satisfaire leur ambition.
Où se situe le mensonge ? La plupart ne connaissent pas l’état dont ils parlent et ceux qui le connaissent le rigidifient avant de le restituer. Comme disait Lin-t’si, c’est " mettre dans sa bouche des morceaux de merde pour les recracher à d ‘autres ". Les religieux ne comprennent rien à l’être social, au désir, à la liberté. Les traditionalistes étouffent la tradition en la transmettant. Ceux qui enseignent ne révèlent pas le secret absolu, soit qu’ils l’ignorent soit qu’obsédés par un sens élitiste ils pensent que peu d’êtres méritent de recevoir l’enseignement le plus profond. "

Après ce réquisitoire, il n'est pas étonnant que le message fondamental contenu dans " Les Sphères du Cœur " échappe à la sagacité des lamas qualifiés. Ils ont édifié leur fond de commerce en enseignant les méthodes sophistiquées du "Chagtri", le texte de Dru Gyelwa Yungdrung. En réalité, dans " Les Sphères du Cœur ", Shardza Tashi Gyaltsen, comme Longchenpa et le Chan originel, récuse tous les artifices des méthodes méditatives en deux phrases : " Le texte du "Chagtri" (phyag khrid) par Dru gyel Yungdrung (Bru rgyal gyung drung) et ses disciples était accepté comme l’enseignement le plus élevé mais ce n’est pas le cas. Il ne peut pas plus être comparé à l’enseignement le plus élevé, que la terre ne peut l’être au ciel. " (" Les Sphères du Cœur ", page 52, Les Deux Océans, 1998.) On ne saurait être plus clair.

Jean-Luc Achard, docteur de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (ses travaux se concentrent sur les traditions Bönpo et Nyingma de la Grande Perfection), écrit au sujet du Chagtri qui présente la quintessence de toutes les instructions orales du Dzogchen du Zhangzhung Nyengyü :
" Son auteur, Dru Gyelwa Yundrung (le Vainqueur Eternel du clan Dru, 1242-1290), reçut la plupart de ces instructions auprès de son maître-racine Yangtön Densapa, et notamment toute l’histoire des maîtres de la Transmission. Celui-ci insista grandement sur le sceaux de secret appliqués au cycle du Zhangzhung Nyengyü, ainsi que sur l’impératif de sa transmission unique (gcig rgyud), c’est-à-dire d’un maître à un seul disciple. Certains éléments suggèrent que la brièveté de la vie de Gyelwa Yungdrung (mort à l’âge de 48 ans) serait due à la rédaction et la divulgation de ses Instructions qui étaient protégées par les gardiens de l’enseignement. "

Les chercheurs du CNRS vivent dangereusement en traduisant les textes placés sous la vigilance de gardiens tueurs invisibles, les sbires démoniaques des lamas.

Tuesday, March 20, 2007

LE CŒUR DANS LE DZOGCHEN

" C’est le cœur qui donne naissance à toute connaissance ". Cette croyance de l’Egypte antique est partagée par les grandes traditions spirituelles. Ramana Maharshi, un sage Indien, parle du cœur spirituel qui dans l’homme est la source de l’ultime vérité : " Le cosmos tout entier est contenu dans un petit point minuscule qui se trouve dans le Cœur. Ce petit point est normalement fermé, mais il s’ouvre sous l’action de vichara (la quête intérieure) ".
Dans la Bible, le cœur est l’être intérieur car Dieu regarde dans le cœur (Premier Livre de Samuel XVI, 7).
L’Islam considère que c’est dans le cœur que résident la spiritualité et la contemplation. Jasmin, chap. VII, §§ 98-101, en exégèse du célèbre " verset de la Lumière " (Äyat al-Nûr, 24 : 35), comme typifiant les voiles des théophanies. Cf. Glose 69 : " Nécessairement c’est dans l’Intelligence initiale (le Noûs) que sous les attributs de la grâce et de la beauté s’accomplit la théophanie primordiale ; puis l’Intelligence s’épiphanise dans l’Esprit, l’Esprit dans le Cœur, et à partir de la Niche du Cœur la lumière en est projetée dans le monde de la Nature. "
Dans la tradition Dzogchen, la base primordiale (kun-gzhi), l’état naturel (gshis kyi gnas-lugs), est la source du Samsâra et du Nirvâna. La Base Primordiale est omniprésente mais elle se trouve plus particulièrement dans le cœur humain, dans un petit espace nommé " la tente brune des cornalines ". L’enseignement Dzogchen du maître Bönpo Shardza Tashi Gyaltsen précise qu’au niveau du cœur partent quatre canaux spirituels :
Le " grand canal doré " (ka ti gser gyi rtsa chen) relie directement le cœur au canal central.
Le " filament de soie blanche " (dar dkar snal ma) commence au niveau du cœur dans le canal central et remonte le long de la colonne vertébrale.
Le troisième canal, le " filament finement enroulé " (phra la ‘khrul) prend également sa source au niveau du cœur.
Le quatrième, la " voie cristalline " (shel bug can) va directement du cœur aux yeux.
L’état naturel, la sagesse du Discernement (rig-pa’i ye-shes) se trouve donc au centre du cœur ; elle se déplace dans la " voie cristalline " qui aboutit aux yeux, la " porte d’eau du lointain lasso ".
La clarté de l’état naturel apparaît sous différentes formes lumineuses, des sphérules (thiglés), des filaments dorés et des visions diverses. Le texte " Les perles du cœur de Samantabhadra " (Künzang Thugtik) révélé par Chogyur Dechen Lingpa, traduit par Jean-Luc Achard, est accompagné d’illustrations détaillant une partie des visions du franchissement du pic (thogal). Les expériences visionnaires sont parfaitement codifiées et se démarquent des fantasmagories de l’imagination. Elles comprennent quatre étapes :
La vision de la réalité manifeste (vision de thiglés quinticolores, de damiers et d’interstices de filets ou de festons) ;
La vision de l’accroissement des expériences lumineuses (vision des chaînes adamantines du discernement) ;
La vision du paroxysme du discernement (vision de thiglés semblables à des ocelles de paon, de boucliers ou de cerclages concentriques…) ;
La vision de l’épuisement de la réalité (cette vision s’exprime dans un septuple étagement lumineux).


(Photo : SHERAB GYATSO, jeune moine Bönpo, a apprécié la basilique du Sacré-Cœur, dite du "Vœu principal", située au sommet de la butte Montmartre.)